26 janv. 2011

« Les anges s’habillent en caillera », un polar urbain à la française qui au lieu de parler de la banlieue fait imaginer la banlieue

            
         La banlieue est un vaste sujet de société traité dans l’actualité par une série de faits divers délictuels aboutissant à la construction d’une image clichée de la périphérie urbaine. C’est à partir de cet univers que Saint Denis vient de se doter de son livre, Les Anges s’habillent en Caillera, aux éditions Moisson Rouge. Romain noir, urbain et de gangster, Les Anges oscille constamment entre anecdotes véridiques, chronique d’un quotidien foisonnant de rencontres et d’histoires, et fiction narrative. Cinématographique à souhait, Les Anges s’habillent en Caillera est emprunt d’une culture transversale qui mêle avec intelligence et style l’argot si cher aux polars classiques avec un langage urbain verlan ponctuée d’expressions en arabe soumettant une vision de la langue française en évolution sans jamais se détacher de ses bases, n’en déplaise à Florent Pagny.  

          Inspiré de la vie du Marseillais, un « artiste du vol » bien connu à Saint Denis, le roman suit ce voleur à la ruse qui vient de sortir de prisons après 18 mois de cachot et qui se met en quête de la balance qui l’a conduit derrière les barreaux. Comme une sorte de Scarface à la française, on suit la montée en puissance du Marseillais, son accession au rang d’escroc de base étrangement doué, ses questionnements, ses combines et ses périls. C’est à partir de ce pitch, assez classique en somme dans le genre des histoires de gangster, que ce roman noir développe une intrigue où se croisent des flics corrompus, des anecdotes surréalistes, des balances en quête de rédemption et des galères de potes pour nous faire plonger dans un univers rythmé par la violence, la poésie et l’humour. Saint Denis y tient une place particulière : lieu des intrigues et personnage à part entière du roman, la ville se dévoile aux lecteurs tantôt par des descriptions quasi-ethnologique, tantôt aux recoins des ruelles où se passent les combines.
Dans ce chassé croisé d’histoires qui se recoupent, une intrigue palpitante et touchante nous donne une vision artistique d’un habitant de Saint Denis, un enfant du coin qui manie les histoires, les « dossiers » du quartier.
Les Angles s’habillent en Caillera n’est pas un livre faisant la promotion de la banlieue, voulant lui donner un nouveau visage et couper court aux préjugés. Il s’agit bel et bien d’un ouvrage de littérature, une fiction qui prend ses racines dans une réalité ancrée et qui s’envole dans un éventail de délires, qui n’a qu’un but…faire kiffer ! Ce roman noir est également exceptionnel au regard des élans de motivation parallèles qu’il a suscité : des courts métrages ont été réalisés à partir de scènes du livre et des extraits du roman sont adaptées en théâtre de rue, des illustrations ont été dessinées par Berthet One et une série littéraire s’en est inspiré. On y retrouve l’aspect fortement cinématographique du livre et les bandes son qui y vont avec (pas étonnant qu’Oxmo Puccino ait d’ailleurs préfacé le bouquin, vous serez également surpris des références musicales…on passe de Renaud à 50 cent d’une page à l’autre).

Comme l’explique l’auteur du livre qui n’en est pas à son coup d’essai, Rachid Santaki, « en banlieue, il n’y a pas que le foot et le rap », il y a aussi des livres, des gens pour les écrire et surtout des gens pour les lire. C’est d’ailleurs un des objectifs de la collection Le Syndicat (collection de romans urbains de la maison d’édition Moisson Rouge et dont Les Anges est le premier titre et association littéraire) : perpétuer et réactualiser le fait que lire est exaltant ainsi que de trouver des bons petits romains écrits par personnes qui a priori n’auraient jamais pensé avoir un talent d’écriture. De plus, le roman noir et le polar sont des styles qui se prêtent bien à l’innovation linguistique, il suffit de se rappeler l’origine de l’argot et de revoir ou relire un peu d’Audiard.

Pour le plaisir, mon court métrage préféré sur un extrait du livre :

 


Les Anges s’habillent en Caillera, Rachid Santaki, Ed. Moisson Rouge. Paru le 20 janvier 2011. 18€. Disponible dans les bonnes librairies et à la Fnac.
Moisson rouge  (clin d'œil au roman de Dashiell Hammett) est une jeune maison d’édition française de romans noirs avec une vingtaine de livres à son catalogue: www.moisson-rouge.fr
 

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